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Péloponnèse : une tour dans le Magne

Péloponnèse Une tour dans le Magne

Sauvage, aride et longtemps inaccessible, le Magne est une péninsule située à l’extrême sud du Péloponnèse. Ses habitants fiers et belliqueux ont bâti des maisons forteresses coiffées de quelques 800 tours. Si à l’époque elles servaient à se protéger et à s’imposer aux clans adverses, aujourd’hui elles ont été transformées en beaux hôtels où histoire et paysages se conjuguent à merveille. Un road-trip à la découverte de cette région à la beauté singulière.

  • carnet de route
  • 27 novembre 2020
  • mise à jour : 22 mars 2021
  • photos : Laurent Fabre
  • texte : Isabelle Zigliara

Kardamyli, douce introduction au Magne


La haute silhouette du Taygète, véritable colonne vertébrale traversant le Magne du Nord au Sud, domine Kardamyli. Point de départ de ce road-trip, c’est dans ce village que l’auteur et aventurier Patrick Leigh Fermor, posa ses valises à la fin des années 60. Érudit, fin connaisseur et amoureux de la Grèce, il y écrivit de nombreux ouvrages, dont « Mani », jouissives chroniques de ses voyages dans la région.

Avec son air cossu, ses jolies maisons de pierre et son petit port, il règne à Kardamyli une douceur de vivre qui contraste avec le reste de la péninsule. Torrents descendant de la montagne, roseaux, cyprès et oliviers, ici la nature est encore généreuse. Plus on s’avancera vers le Sud, plus les paysages seront arides voire parfois désolés. En attendant cette rencontre avec le Magne profond, la route offre une succession de vallons verdoyants et de petites plages.

Kardamyli | Vue sur le port
Kardamyli | Taverne Lela. Kardamyli | Église dans la citadelle fortifiée de Tripakis-Mourtzinos.
Kardamyli | La plage de Kalamitsos
Kardamyli • La plage de Kalamitsos en contrebas de la maison de Patrick Leigh Fermor.

Les deux visages d'Itylo


Après plusieurs dizaines de kilomètres d’une route tortueuse, les paysages se font plus secs à l’approche d’Itylo. Beau village aux maisons restaurées, il respire le calme et la tranquillité. Cependant, ses maisons fortifiées, ses ruelles labyrinthiques et l’imposante forteresse dont les ruines font face au village, racontent une autre histoire. Celle d’un village puissant, ancienne capitale du Magne, où les violences constantes eurent raison des habitants. Itylo se vida de ses 1700 âmes à la fin du 18e siècle.

La présence de la forteresse de Kefala, qui servait de base aux incursions ottomanes dans le Magne, n’était pas la seule source d’insécurité. Une vendetta opposant les deux principales familles d’Itylo, les Iatrini et les Stephanopoli, donna lieu à des affrontements sanglants. Les deux clans, voyant leurs différents sans issue, et la menace ottomane toujours plus pressante, décidèrent de partir. Les premiers choisirent la Toscane, à cause d’une parenté supposée avec les Médicis, et y périrent décimés par les maladies. Les seconds, près de 800 personnes, alliés des Génois, posèrent le pied en Corse en 1676 et s’installèrent dans les villages de Paomnia, de Revinda et de Sagone. Quelques années plus tard, ils fondèrent Carghèse. Aujourd'hui, les descendants des Stephanopoli d’Itylo parlent encore le grec et cultivent toujours le souvenir de leurs racines.

Itylo | Yaya. Itylo | Ruelles du village.
Itylo | Caféneio sur la place du village. Itylo | Maison dans le village.
Itylo | Monastère de Dekoulos
Monastère de Dekoulos • Sur la route d’Itylo, se trouve le beau monastère néo-byzantin de Dékoulou. Il abrite de nombreuses fresques aux couleurs vives, et notamment celle d’un étonnant un zodiaque. Il est très rare de trouver des motifs païens dans les églises grecques. À cause de son isolement géographique, le Magne a été christianisé au Xe siècle par Saint Nikon, soit près de six siècles après la conversion de l’Empereur Constantin.
L'hôtel Korona • Beauté et austérité pour ce boutique-hôtel construit dans une maison fortifiée d’Itylo.
Itylo | Hôtel Korona
Limeni | Port
Port de Limeni • Dernière halte avant le Magne profond.
Limeni | Vue de la baie

Aréopoli, la porte du Magne profond


Ville principale du Magne, Aréopoli se découvre à pied, au-delà de sa grande place moderne et sans charme. Si l’on se promène dans ses petites ruelles écrasées de soleil, on découvre la beauté de celle qu’on surnomme « la porte du Magne ». Car pour les Maniotes, c’est bien ici que commence le Magne profond.

Aéropolis, signifie ville d’Arès, dieu de la guerre. L’ancienne Tsimova a été ainsi rebaptisée en hommage au héros Petros Mavromixalis. Ce dernier, après avoir hissé son drapeau, partit d’Aréopoli le 17 mars 1821 à la tête de trois cents Maniotes. Accompagnés d’un autre héros, Théodoros Kolokotronis, et de ses klephtes de Morée, ils prirent la ville de Kalamata alors aux mains des Turcs, marquant ainsi le début de la Guerre d’Indépendance.

Aeropoli | Kaféneio
Aréopoli | Taverne Barba Petros
Nighthawks à Aréopoli
Aeropoli | Ruelles de la ville. Aeropoli | Boulangerie.
L'hôtel Antarès à Aréopoli
Hôtel Antarès • Très bel hôtel situé dans une vaste maison-tour datant de 1750.
. Aeropoli | Anes dans un champs près de l'hôtel Antarès..

Koita, Vatheia, et les tours nykliennes


Le Magne profond se dévoile. Si la nature reste très belle, elle se fait plus austère kilomètre après kilomètre. Peu à peu la campagne se hérisse de tours et plusieurs hameaux construits sur les hauteurs se détachent du paysage. Parmi eux, deux se distinguent : Koita et Vatheia.

Sorte d’aristocratie militaire et terrienne maniote, les Nykliens seraient originaires du village de Nykli (aujourd’hui Tripoli) en Arcadie. Suite au sac de la ville, au 13e siècle, les habitants prirent le chemin du Magne profond. Lorsqu’il commença à se peupler, les habitants se disputèrent le moindre lopin de terre et on appela Nykliens, les premiers arrivés. Dès lors, les Nykliens érigèrent de hautes tours et des toits de pierre pour asseoir leur pouvoir et se défendre. Il y en eu jusqu’à 800 dans la région.

Koita | Hôtel Citta del Nicliani
Koita | Hôtel Citta del Nicliani
Hôtel Citta del Nicliani • Magnifique maison d’hôtes au coeur de tours nikliennes.
Vatheia | Magne
Vatheia • Si le village est plus ou moins abandonné aujourd’hui, son profil sombre et majestueux en impose toujours.

Péninsule de Tigani


Non loin de Koita, Tigani est un isthme rocheux à la forme d’un manche de poêle à frire, d’où son nom en grec. Tigani abriterait les ruines du château du grand Magne, édifié par Guillaume II de Villehardouin, quatrième prince franc de Morée, en 1248. On y récolte du sel et de la criste marine.

Péninsule de Tigani | Péninsule de Tigani | Chapelle rupestre de Panagia Odigitria.
Péninsule de Tigani • Chapelle rupestre de Panagia Odigitria.

Gerolimenas, une fenêtre sur le monde


L’arrivée à Gérolimenas est marquée par la majestueuse silhouette du Capo Grosso, qui à lui seul sculpte le paysage.

Avec Port Kayo, plus au sud, Gérolimenas fût l’un des seuls bons ports du Magne. C’est ainsi qu’au XIXe siècle, isolés depuis toujours par les hautes montagnes du Taygète, le Magne s’ouvrit au commerce avec le reste du monde, exportant jusqu’à Marseille des millions de cailles vivantes !

Gerolimenas | Baie de Gerolimenas
Gerolimenas | Cap Grosso
Le Cap Grosso à Gerolimenas

Cap Ténare, l’entrée des enfers


Les Anciens font du Cap Ténare l’une des portes des enfers. Le Magne entretient un rapport puissant avec la mort, quasi-obsessionnel, écrira Patrick Leigh Fermor. Cette mise en exergue de la mort s’exprime dans les miroloyia. Ces chants funèbres improvisés par les femmes puisent leurs sources jusque dans la littérature grecque de l’Antiquité. Nombreuses sont les similitudes entre les miroloyia d’aujourd’hui et les lamentations d’Andromaque sur le corps de son bien-aimé Hector dans l’Iliade.

Le voyage s’achève ainsi à l’extrême sud de la péninsule. Là, un phare, vigie plantée dans les rochers, marque le bout de la terre.

Cap Ténare | Hôtel Tainaron Blue
Cap Ténare | Hôtel Tainaron Blue
Hôtel Tainaron Blue • Point de vue exceptionnel pour cet hôtel-tour magnifiquement restauré
Plage de Vathy | Plage de Vathy |

Quand Dieu eu fini de créer le monde, il lui restait un sac de pierres et c’est ici qu’il l’a vidé. 
Mani, Patrick Leigh Fermor

Cap Ténare | Phare

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